Le paysage énergétique mondial est en pleine mutation, tiraillé entre la dépendance aux combustibles fossiles et l’urgence climatique. Dans ce contexte complexe, deux dynamiques parallèles se dessinent : d’une part, les géants pétroliers qui investissent prudemment dans les énergies vertes pour des raisons stratégiques et, d’autre part, des institutions de la société civile qui s’engagent résolument dans la transition, portées par des convictions éthiques.
Les Géants Pétroliers Face à l’Énergie Verte : Un Investissement Stratégique
Malgré des investissements encore modestes dans les énergies propres, plusieurs raisons commerciales poussent les compagnies pétrolières et gazières à s’intéresser à ce secteur. Cependant, la stratégie n’est pas uniforme. Des acteurs majeurs comme Shell et BP, autrefois présentés comme des pionniers, semblent aujourd’hui marquer un temps d’arrêt, recentrant leurs activités sur la production d’hydrocarbures. D’autres, comme Exxon Mobil et Chevron, bien que concentrés sur leur cœur de métier, ont récemment annoncé des investissements dans des projets de captage de carbone, ainsi que dans la production de lithium et de graphite pour les batteries de véhicules électriques.
Les compagnies pétrolières nationales ne sont pas en reste. Saudi Aramco, par exemple, a investi dans les énergies propres tout en affirmant qu’il est irréaliste d’envisager une sortie complète et rapide du pétrole et du gaz.
Pourquoi un tel virage ?
Plusieurs facteurs expliquent cet intérêt. Pour les analystes traditionnels du secteur, la priorité reste la satisfaction de la demande énergétique mondiale croissante et les retours sur investissement à court terme pour les actionnaires. Cependant, une autre partie des investisseurs, soucieuse du climat et de la durabilité, y voit des opportunités commerciales cruciales pour l’avenir.
Les raisons de cette diversification sont multiples :
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La diversification financière : Tout comme un conseiller financier recommande de diversifier un portefeuille d’épargne, les entreprises cherchent à se prémunir contre la volatilité. Les marchés pétroliers et gaziers sont notoirement cycliques, et les investissements dans les énergies propres peuvent servir de couverture contre ces fluctuations.
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De nouvelles sources de revenus : La demande des consommateurs pour une énergie propre est en hausse, et les compagnies pétrolières cherchent à se positionner pour capter ce nouveau marché. En développant une expertise interne dans les biocarburants, l’hydrogène ou le gaz naturel renouvelable, elles se préparent aux opportunités commerciales de demain.
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La réduction des coûts : Les énergies renouvelables peuvent aussi être un levier d’économies. Certaines entreprises utilisent l’énergie solaire ou éolienne pour alimenter leurs propres puits de forage ou investissent dans l’efficacité énergétique de leurs bâtiments.
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La pression publique et réglementaire : Les entreprises du secteur subissent une pression croissante de la part du public, des gouvernements (surtout hors des États-Unis) et de leurs partenaires commerciaux pour répondre à l’urgence climatique. Les campagnes de désinvestissement des énergies fossiles et les actions en justice liées au climat se multiplient. En réponse, certaines entreprises tentent de réduire leurs émissions opérationnelles et investissent dans des technologies émergentes comme le captage de CO₂, allant parfois jusqu’à redéfinir leur image de marque, comme BP et Equinor l’ont fait par le passé.
L’Action par la Foi : L’Exemple Concret des Jésuites Américains
Pendant que les stratégies des grands groupes évoluent, d’autres acteurs, motivés par des valeurs morales, passent à l’action. C’est le cas de la Province USA Est de la Compagnie de Jésus (les Jésuites), qui, à l’été 2025, marquera le 10e anniversaire de l’encyclique du Pape François, Laudato Si’, en inaugurant deux projets d’énergie solaire majeurs.
Ces installations fourniront une énergie propre à la communauté jésuite de Colombiere à Baltimore (Maryland) et à la maison de retraite spirituelle Loyola on the Potomac à Faulkner (Maryland). Développés en partenariat avec Catholic Energies, un programme spécialisé qui accompagne les institutions catholiques, ces projets produiront collectivement plus de 520 000 kilowattheures d’électricité et permettront d’éviter l’émission de 356 tonnes de dioxyde de carbone chaque année.
Une Démarche Ancrée dans des Valeurs Fondamentales
Cet engagement s’inscrit dans une vision plus large. En 2019, les Préférences Apostoliques Universelles de la Compagnie de Jésus, approuvées par le Pape François, ont désigné la « collaboration à la sauvegarde de notre Maison commune » comme l’une des quatre orientations mondiales pour les Jésuites. Le plan apostolique de la province, validé en 2024, a traduit cet appel en objectifs concrets, invitant les communautés et institutions à promouvoir la justice écologique.
« Nous sommes appelés à vivre une ‘foi qui promeut la justice’ », a déclaré le Père Joseph O’Keefe, SJ, Provincial de la Province USA Est. « Ces projets solaires concrétisent notre engagement à prendre soin de notre Maison commune. »
Le parcours a débuté en 2023, lorsque la province a exploré le potentiel de ses propriétés. L’expertise de Catholic Energies a été décisive pour naviguer dans le paysage réglementaire et financier complexe, évaluer les sites, analyser les incitations fédérales et locales, et concevoir un modèle technico-économique viable.
Un Appel à Accélérer la Transition
Dans son exhortation apostolique Laudate Deum de 2023, le Pape François écrivait que « la transition nécessaire vers les énergies propres, comme l’éolien et le solaire, et l’abandon des combustibles fossiles, ne progressent pas à la vitesse requise ». Poursuivant cet appel à une coopération mondiale pour faire face à la crise écologique, il a souligné qu’il était « temps de passer de la parole aux actes ».
Avec ces projets, la Province USA Est espère inspirer d’autres institutions et individus, bien au-delà de la sphère jésuite, à accélérer leur propre transition vers les énergies propres et à s’éloigner des combustibles fossiles.
